MTC, des ses origines à nos jours
Aux origines de la MTC
Pour commencer à explorer la médecine traditionnelle chinoise (MTC), il est utile de se familiariser avec certains textes et personnages fondateurs. Toutefois, il convient de souligner que l’histoire de la médecine chinoise, telle que transmise en Occident, manque de cohérence en raison des variations dans la traduction et la dénomination des figures importantes d’un auteur à l’autre.
Il faut également prendre en compte l’ancienneté de cette médecine, dont les origines remontent au moins au XIIe siècle avant J.-C. On considère que la MTC repose sur quatre textes anciens, appelés Nèi, Nàn, Shang et Jin, qui sont des compilations de plusieurs écrits rédigés par divers auteurs sur plusieurs années.
Les premiers ouvrages de la MTC
Ces ouvrages sont connus sous les noms suivants : le Nei Jing (Classique interne de l’empereur Jaune), qui comprend le Su Wen (Questions essentielles) et le Ling Shu (Axe spirituel) ; le Nan Jing (Classique des difficultés) ; le Shang Han Lun (Traité des maladies du froid ou Traité des lésions du froid et des maladies diverses) ; et le Jin Gui Yao Lue (Principales prescriptions du coffre d’or).
Ces premiers textes témoignent de deux conceptions de la maladie en médecine chinoise : la première, similaire à celle de l’Occident, considère que la maladie résulte d’un « mauvais esprit » qu’il faut expulser du corps, tandis que la seconde repose sur la cosmogonie. Bien que la première conception n’ait pas complètement disparu, la seconde est devenue la base du système de la MTC.
Profitons de cette introduction pour retracer les grandes périodes de l’histoire de la Chine et des différentes dynasties qui ont régné. Chaque dynastie a laissé une forte empreinte sur la médecine chinoise, jusqu’à l’arrivée du régime communiste en 1949.
Cependant, l’origine véritable de la médecine traditionnelle chinoise (MTC) reste un mystère. Encore aujourd’hui, les chercheurs ne savent pas quand et comment elle a commencé. Les livres et les auteurs proposent des interprétations diverses, ce qui explique les différences entre les sources.
Les courants de pensée et d’influence de la MTC
Ce mystère est aussi une raison pour laquelle la MTC est souvent entourée de mystique. Pourtant, on trouve des écrits sur la médecine chinoise datant d’il y a environ 3 000 ans, qui servent encore aujourd’hui de référence. Ces textes se basent sur des mythes et des légendes symboliques, permettant à la MTC de fonctionner par analogie et correspondance.
Cette origine mystique est liée à un rapport entre le corps et l’esprit, ainsi qu’à une relation entre le microcosme du corps humain et le macrocosme de l’univers, tous deux régis par les mêmes lois et principes.
Bien que les trois grandes philosophies chinoises (le taoïsme, le confucianisme et le bouddhisme) soient nées vers les VIe et Ve siècles avant J.-C., la médecine chinoise a des racines « chamaniques ». En effet, la pratique du qi gong serait issue des guérisseurs. Le Yi Jing, initialement utilisé pour la divination, était également courant dans le chamanisme chinois, tout comme la pratique de la pluie et l’interprétation des rêves.
Enfin, le Nei Jing, le tout premier texte fondateur de la MTC, évoque ces pratiques anciennes en affirmant que les médecins d’autrefois soignaient directement sans utiliser les aiguilles, avant de perdre ce pouvoir et de nécessiter l’aiguille comme intermédiaire pour l’acupuncteur.
On pense que la médecine traditionnelle chinoise a une origine vieille de plus de 4 000 ans, remontant à trois anciennes dynasties : la dynastie Xia, la dynastie Shang et la dynastie Zhou. Cependant, il n’y a pas de preuves écrites pour soutenir cette thèse. Des aiguilles d’acupuncture fabriquées en pierre témoignent d’une pratique ancienne, mais ce n’est qu’à l’époque des « Printemps et Automne » et des « Royaumes combattants » qu’une organisation du système médical s’est progressivement mise en place.
Huang di Nei Jing, premier texte de référence de la médecine chinoise
Le premier texte de référence de la médecine chinoise est le Huang di Nei Jing, également connu sous le nom de Classique interne de l’empereur Jaune. Il aurait été compilé durant la période des Royaumes combattants et de la dynastie Han. Le livre est considéré comme la base théorique de toute la médecine traditionnelle chinoise et est toujours utilisé aujourd’hui. Il se compose de 19 chapitres et comprend deux parties distinctes appelées le Su Wen et le Ling Shu, qui décrivent des théories essentielles sur la cosmologie, la morale et la philosophie en lien avec la médecine. Le Nei Jing prend la forme d’un dialogue entre l’empereur Jaune et son ministre, ou médecin, Qi Bo.
Entre le VIe et le Xe siècle après J.-C., il y aurait eu quatre sections dans la médecine impériale chinoise : la médecine générale, les masseurs, les acupuncteurs et les guérisseurs. Les conceptions de la santé ont évolué pour arriver à la mise en place des premières méthodes, encore pratiquées aujourd’hui. Bian Que et le Nan Jing, ou « Classique des difficultés », ont contribué à ces évolutions.
Pendant la période des Royaumes combattants entre 475 et 221 av. J.-C., les concepts fondamentaux de la médecine chinoise tels que le Qi, les principes de Yin et de Yang et la théorie des cinq éléments ont été définis.
Les principales figures de la médecine chinoise et leurs apports
Bian Que, un médecin spécialisé en gynécologie et en pédiatrie, a joué un rôle important dans le développement de la médecine chinoise en établissant le diagnostic à travers l’observation, l’audition, l’olfaction, la palpation du pouls et l’interrogatoire. On attribue à Bian Que la paternité du Nan Jing, un livre fondateur de la médecine chinoise qui présente une autre méthode pour expliquer les connaissances médicales, y compris l’acupuncture.
Le Shennong Bencao Jing, un traité sur les herbes médicinales chinoises, est également attribué à la dynastie Han. Shennong, l’empereur fondateur de la civilisation chinoise, est considéré comme l’auteur de ce recueil.
À la fin de la dynastie Han, Zhang Zhongjing, un jeune homme dont plusieurs membres de la famille sont morts d’une épidémie, décide de se lancer dans la médecine. Il écrit le Shang Han Lun, un texte fondateur de la MTC qui est également considéré comme incontournable dans l’apprentissage de la pratique de la médecine chinoise. On attribue également à Zhang Zhongjing le « Jin Gui Yao Lue« , un autre texte fondateur de la médecine chinoise.
À la fin de la dynastie Han, Hua Tuo (vers 141-208 apr. J.-C.) est devenu une figure majeure de la médecine chinoise. En tant que chirurgien, il a contribué à l’avancement de diverses pratiques, telles que la psychothérapie, la pharmacopée, le qi gong et l’acupuncture.
Hua Tuo est également connu pour avoir développé le qi gong des cinq animaux, une technique qui relie les mouvements à la nature, à cinq animaux et aux cinq éléments. De nos jours, lorsqu’un médecin est salué pour son talent, il est parfois comparé à Hua Tuo.
La pratique méthodique de l’acupuncture n’a réellement pris son essor qu’au IIe siècle après J.-C. Huangfu Mi a rédigé le premier traité sur l’acupuncture, décrivant les 349 points d’acupuncture, leur localisation et les techniques d’application. L’ancêtre de l’acupuncture, la moxibustion, utilisait des cônes ou des cigares de fleurs d’armoise chauffés (appelés « moxa ») pour stimuler les points, au lieu des aiguilles. Le traité de Huangfu Mi est considéré comme la base incontournable de l’acupuncture.
Wang Shu he, Ge Hong et Tao Hong jung, personnages clés de la MTC
Sous la dynastie Jin de l’Ouest (265-317), Wang Shu He, ministre de la médecine impériale, a compilé tout le savoir ancestral sur la question des pouls dans un livre intitulé Mai Jing, ou Classique des pouls. Il a également contribué à la reconstitution du livre essentiel de Zhang Zhongjing, le Traité des lésions du froid et des maladies diverses.
Deux autres personnages clés ont contribué au développement de la médecine traditionnelle chinoise sous la dynastie Jin de l’Est (317-420). Le premier est un alchimiste, taoïste et médecin nommé Ge Hong (vers 283-343), qui aurait décrit les grandes épidémies de la peste, de la tuberculose, de la variole et de l’hépatite.
Le deuxième est un alchimiste, taoïste, médecin et herboriste nommé Tao Hong Jung, qui aurait écrit plusieurs ouvrages, dont le Commentaire classique de la matière médicale et le Recueil pour nourrir la nature innée afin de prolonger la vie.
Les dynasties Sui (581-618) et Tang (618-907) ont marqué une période de prospérité et de stabilité pendant laquelle les techniques et les théories de la médecine chinoise ont connu une croissance impressionnante.
L’enseignement officiel de cette discipline a été mis en place dès l’année 624 et, couronné d’un diplôme d’État, a été reconnu et validé. La cour impériale a également ordonné la compilation et l’édition d’un ouvrage essentiel, le Nouveau Précis de matières médicinales (appelé Précis de matière médicinale des Tang), qui contient toute la pharmacopée de la médecine chinoise.
Les apports incontournables de Sun Simiao à la MTC
Au sein de la dynastie Sui en Chine, Sun Si Miao, une figure importante, a créé les Prescriptions majeures de mille onces d’or et les Prescriptions supplémentaires du Qian Jin, considérées comme la première encyclopédie médicale de l’histoire chinoise.
Sun Si Mao est également connu pour avoir développé le qi gong des six sons thérapeutiques et pour ses écrits, tels que Remèdes précieux contre les maladies aiguës et Autres remèdes précieux, qui lui ont valu le titre de « roi des médicaments ». Il considérait la pharmacopée et le qi gong comme la base de la médecine traditionnelle chinoise, tandis que l’acupuncture, la moxibustion et la diététique étaient complémentaires.
Au cours des dynasties Song, Jin du Nord et Yuan, la cour impériale a créé le « Bureau médical impérial » pour regrouper les meilleurs médecins de l’Empire. De nouvelles techniques ont été introduites, notamment la distillation pour obtenir des remèdes de la pharmacopée, ainsi que l’étude de l’anatomie grâce aux progrès de la dissection.
Des planches anatomiques ont été créées pour décrire les méridiens et les points d’acupuncture, tandis que des statues en bronze ont été utilisées pour l’apprentissage des points. Chen Yan a rédigé le Formulaire des maladies selon les trois causes en 1174, décrivant les trois principales causes des maladies : externes, internes ou ni l’un ni l’autre.
Au cours des dynasties Jin du Nord et Yuan, quatre maîtres de la médecine chinoise ont marqué l’histoire.
Liu Wan Su, Zhang Cong Zheng, Li dong Yuan…
Liu Wan Su a développé une approche des maladies basée sur les causes externes telles que le vent, la canicule, le froid, la sécheresse et l’humidité, qu’il a appelée « l’école du froid et du frais ».
Zhang Cong Zheng a utilisé cette théorie pour contrer les causes externes grâce à trois méthodes : la Sudorification, la Purgation et la Vomification.
Selon Li Dong Yuan, les déséquilibres de la Rate et de l’Estomac sont à l’origine des dysfonctionnements. Il a créé une école axée sur la tonification de la Terre. Zhu Dan Xi quant à lui, a développé un remède pour traiter les maladies en augmentant le Yin et en diminuant le Yang.
Les dynasties Ming (1368-1644) et Qing (1644-1912) ont été marquées par des noms importants et des progrès remarquables dans la médecine traditionnelle chinoise (MTC). Par exemple, Li Shizhen, naturaliste, a consacré près de 30 ans de sa vie à écrire un traité sur les plantes intitulé le « Compendium des matières médicinales ».
Cet ouvrage détaille 1 892 herbes et 10 000 prescriptions et a contribué à la « pulsologie », la mesure du pouls, qui fait également la particularité de la MTC.
Enfin, plusieurs personnalités importantes ont également contribué à l’évolution de la MTC. Zhang Jie Bin a revisité le premier texte de la MTC, le Classique interne de l’empereur Jaune, et a émis la théorie suivante : le Yang ne peut jamais être « en excès », mais il doit souvent être renforcé car il serait à la base de l’énergie vitale.
Yang Ji Zhou a quant à lui consacré un ouvrage à l’acupuncture et à la moxibustion : le Compendium de l’acupuncture et de la moxibustion. Enfin, Wang Qing Ren, figure de la médecine sous la dynastie Qing, s’est attaché à rectifier les erreurs des textes anciens sur l’anatomie en invitant les praticiens à étudier la composition interne du corps.
Le développement de la MTC du 20ème siècle à nos jours
Le XXe siècle a été marqué par des bouleversements politiques qui ont affecté la MTC de différentes manières. L’abolition de la médecine chinoise a été proposée par le gouvernement en 1929, mais cela n’a pas eu lieu. Cependant, cela a entraîné une restructuration de la médecine traditionnelle chinoise.
Le Dr Qin Bowei, fondateur de l’Institut chinois de médecine, a proposé des traitements d’acupuncture à la place de traitements médicamenteux occidentaux plus coûteux. À cette époque, la Société pour la recherche de l’acupuncture chinoise a également été créée à Wuxi, à l’initiative du pédiatre Cheng Danan.
En 1830, un livre nommé « La Correction des erreurs de la forêt médicale » a été écrit pour corriger les erreurs dans ce qu’on appelait alors la « médecine traditionnelle chinoise« . Ce système de soins a été standardisé et simplifié pour être utilisé par le gouvernement face à des problèmes tels que la famine, les maladies infectieuses et les conséquences de la guerre civile.
Après l’arrivée au pouvoir de Mao Tsé-tung en 1949, la médecine chinoise a été d’abord rejetée, puis réhabilitée et réinventée sous le nom de « médecine traditionnelle chinoise » pour répondre aux besoins de la population.
La population en quête de soins, les programmes d’études communs ont uniformisé la discipline en prenant en compte les textes classiques tout en cherchant à la rendre plus « scientifique ».
La classification systématique a été introduite pour rassembler les éléments dispersés dans les textes anciens. Cependant, le marxisme « scientifique » a influencé le développement de la médecine chinoise moderne en gommant les aspects « spirituels » des textes anciens, tels que le concept d’Âme Éthérée.
Reconnaissance internationale
En 1980, une loi a été promulguée pour intégrer la médecine chinoise dans le système de soins du pays, et depuis les années 1990, le gouvernement chinois valorise son patrimoine dans le domaine de la médecine chinoise en exhibant sa fierté nationale.
L’acupuncture et la moxibustion ont été inscrites au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2010 grâce à ces efforts.